Daire Lynam, Directeur général de Thomas International Ireland, analyse les enjeux liés à la pénurie actuelle de compétences. Daire nous explique quelles stratégies pourraient être utiles aux Responsables des Ressources Humaines, comment surmonter la pénurie de compétences et comment les équipes peuvent se développer en considérant les compétences différemment.
1. Comment décririez-vous l'état actuel des pénuries de compétences dans les différents secteurs d'activité et quels sont les principaux facteurs qui contribuent à ce phénomène ?
Si la pénurie de compétences spécifiques aux secteurs tels que la santé, la construction et la finance est régulièrement soulignée, la pénurie tout aussi importante de compétences non techniques est souvent négligée et sous-estimée.
Si les compétences techniques ont toujours été recherchées, la pénurie de « soft-skills » (ou savoir-être), telles que la communication, le travail en équipe, la résolution de problèmes, la pensée critique et l'adaptabilité, s'est accentuée ces dernières années. Cette pénurie a encore été amplifiée par le passage au travail à distance lié à la pandémie de la COVID-19.
Les entreprises donnent souvent la priorité aux qualifications techniques et à l'expérience lorsqu'elles recrutent, mais elles peuvent négliger l'importance des « soft skills » (ou savoir-être). Il est pourtant essentiel de reconnaître que les salariés dotés de solides compétences relationnelles contribuent de manière significative à une culture de travail positive et à la réussite globale.
Dans certains cas, les salariés peuvent quitter leur emploi non pas en raison d'un manque de compétences techniques, mais en raison de problèmes de comportement ou d'un décalage avec la culture de l'entreprise. Cela souligne l'importance de valoriser et d'encourager les compétences liées au savoir-être au sein des organisations. Pour y remédier, il est nécessaire de changer d'état d'esprit et de s'engager à offrir aux collaborateurs des possibilités de développer et d'utiliser ces aptitudes essentielles.
2. Quelles sont les soft skills qui seront essentielles pour réussir dans le monde du travail de demain ?
Les compétences relationnelles « classiques » telles que la communication, le travail d'équipe et l’esprit critique restent fondamentales. Cependant, l'évolution rapide de notre environnement de travail, miroirs des révolutions historiques, exige que l'on mette davantage l'accent sur l'adaptabilité et la résilience. Ces compétences deviennent de plus en plus cruciales pour faire face aux changements rapides que nous connaissons. Parallèlement, la créativité est essentielle, car elle nous permet d'innover et de nous adapter.
Si les compétences fondamentales telles que le leadership restent importantes, la capacité à s'adapter rapidement et à être résilient devient de plus en plus déterminante dans la dynamique d'aujourd'hui.
3. Comment agir différemment, en tant que professionnels des RH et les recruteurs, pour faire face efficacement aux enjeux posés par les pénuries de compétences ?
Pour les professionnels des Ressources Humaines et les recruteurs, s'adapter à l’enjeu des pénuries de compétences nécessite de prendre du recul. Si les compétences métier sont importantes, il peut être difficile de les acquérir rapidement. Il est donc essentiel de prendre en compte les compétences transférables lors de l'évaluation des candidats. Ces compétences transférables, telles que l'éthique professionnelle, la capacité d'apprentissage rapide, le travail d'équipe et le leadership, sont souvent plus importantes à court terme. En ciblant des candidats qui possèdent ces « soft-skills », les organisations peuvent accélérer leur intégration dans leurs postes et au sein des équipes.
De plus, les professionnels des Ressources Humaines devraient repenser leurs offres d’emploi, en mettant l'accent sur les compétences comportementales telles que la communication, le leadership et l'adaptabilité. Cette approche élargit le vivier de candidats et encourage les personnes à postuler sur la base de leurs compétences non techniques, ce qui aboutit en fin de compte à des profils plus diversifiés et plus adaptables.
En ce qui concerne la fidélisation, il est essentiel de comprendre les motivations des collaborateurs, au-delà du salaire. Offrir des possibilités de formation en continu et d’évolution des compétences, même en dehors de leur domaine technique, peut constituer une bonne stratégie de fidélisation. En outre, tirer parti des évaluations, des interactions au sein de l'équipe et des analyses du lieu de travail pour surveiller et améliorer l'engagement des salariés peut éviter le turnover avant que cela ne devienne un problème. Ces mesures proactives permettent aux organisations de traiter les problèmes de fidélisation en temps opportun, plutôt que d'attendre les entretiens de départ (exit interview) ou les évaluations annuelles.
4. Sur un marché de l'emploi compétitif, caractérisé par une grave pénurie de compétences, comment la technologie et l'analyse des données peuvent-elles aider les professionnels des Ressources Humaines à attirer et à retenir les meilleurs talents ?
Avec l'abondance des données en temps réel disponibles aujourd'hui, les professionnels des Ressources Humaines disposent d'un large éventail d'outils et de stratégies. C'est un peu comme si, dans un contexte sportif, on jouait à la fois en attaque et en défense.
Sur le plan défensif, les organisations peuvent utiliser les datas pour améliorer la rétention et l'engagement. Les mécanismes de feedbacks en temps réel, tels que les « pulse surveys », permettent aux RH de surveiller et d'améliorer la dynamique d'équipe, la communication et l'efficacité managériale. Rester en contact avec les collaborateurs, en particulier dans les environnements de travail à distance, devient vital. La science des personnes* peut aider à comprendre les styles de communication et les facteurs de motivation individuels, facilitant ainsi les interactions au sein d'équipes dispersées.
* La science des personnes est un domaine multidisciplinaire qui s’inspire de la psychologie, de la sociologie, de l’anthropologie et d’autres disciplines pour étudier le comportement humain.
Sur le plan offensif, l'image de marque de l'employeur joue un rôle essentiel. Les entreprises peuvent exploiter les données pour raconter des expériences motivantes sur les parcours de développement des collaborateurs et les opportunités d’évolution. Les jeunes générations, en particulier, s'intéressent à la manière dont les entreprises contribuent à leur développement de carrière et à leur épanouissement personnel. En soulignant ces aspects, les entreprises peuvent se positionner comme des lieux de travail attractifs.
Dans ce paysage en évolution rapide, les professionnels des Ressources Humaines disposent de nombreux outils et approches pour améliorer l'acquisition et la rétention des Talents, ce qui contribue à rendre l'organisation plus agile et plus compétitive.
5. Quels conseils donneriez-vous aux professionnels des Ressources Humaines et du recrutement pour avancer et atténuer l'impact à long terme des pénuries de compétences ?
Pour y parvenir, les professionnels des Ressources Humaines et du recrutement devraient adopter une approche plus réfléchie, en exploitant les données et les analyses de manière stratégique. Sur le marché du travail concurrentiel d'aujourd'hui, il est essentiel de reconnaître que les salariés ont l’avantage, ce qui rend impératif pour les entreprises d’améliorer leur jeu.
Tout d'abord, le salaire est important, mais ce n'est qu'une pièce du puzzle. Au-delà de la rémunération, les collaborateurs recherchent certaines valeurs, le respect et les possibilités d’évolution. Pour retenir efficacement leurs Talents, les organisations doivent aller au-delà des avantages habituels et s'intéresser à la culture d'entreprise. Il est primordial de créer un environnement dans lequel les collaborateurs se sentent valorisés, respectés et encouragés à apprendre et à se développer.
Encourager le développement en interne et la formation continue dans un environnement sûr et confortable favorise la satisfaction des salariés et permet d'atteindre les résultats souhaités. Cela influence aussi positivement l'image de marque de l'employeur et la fidélisation. En fin de compte, les professionnels des Ressources Humaines et du recrutement doivent être attentifs à ces facteurs pour se démarquer dans un paysage concurrentiel et atténuer efficacement l'impact à long terme des pénuries de compétences.